La rose

Je n’ai pas de nom . Il n’y a désormais dans ma tête que des images floues, des images dures même si je ne les vois jamais très clairement , les émotions sont toujours aussi vivaces. La tristesse, la rage, la colère , l’incompréhension. Cette vie que j’ai oubliée n’a pas été facile, je le sens , je le sais. On m’a trouvé sur ce banc dans un parc au mois de de décembre. J’étais frigorifiée , mais je tentais de me réchauffer en soufflant doucement sur mes mains gelées. Je ne connaissais pas le parc, ni la ville dans laquelle je me trouvais. Il ne me restait que ces images. Quand on m’a annoncé que personne ne me cherchait, j’ai perdu pied. Si personne ne me cherchait , est ce que cela voulait dire que je n’avais pas de famille, ou que personne ne me manquerait. Je préférais la première possibilité. Quand vous perdez la mémoire, l’absence de familiarité est ce qui rend la vie très difficile. Ai- je déjà traversé ces rues ? Suis je née dans cette ville? Ai- je un métier? Mon petit appartement n’a que l’essentiel, une chaise , une table, un lit. J’y passe peu de temps. Le vide est plus pesant que la mauvaise humeur des passants. Je n’aime pas cette ville. Sur ma table j’ai posé une petite boîte remplie de petits morceaux de papier sur lesquels je pose des questions qui restent sans réponse. Alors, chaque jour je pioche dans la boîte .

« Sais tu dessiner ? »

La question écrite au feutre noir semble être vivante et si je n’essaye pas d’y répondre , je crains que les lignes ne sautent du papier et disparaissent.

Alors rapidement je sors mon carnet. Je ne fais pas attention aux quelques lignes rayées. J’ai tenté d’écrire un poème, avant de constater que je ne savais pas faire de rimes.

Bientôt des lignes petites et grandes apparaissent sous mes doigts, et l’image prend forme. Je délaisse le carnet pour prendre une feuille plus large. Des visages , des immeubles , des bâtiments, des vélos. Quand enfin la nuit tombe , je me rends compte qu’enfin l’une de mes questions aura une réponse. Soudain, je remarque quelque chose d’étrange. Dans le coin de chaque feuille , j’ai dessiné une rose. Durant plusieurs semaines , je tente de comprendre le sens de cette rose sans succès. Encore un indice de ma vie passée que je ne peux comprendre. Mais je continue à dessiner. La peinture est devenue un exutoire. Un jour alors que je tente de vendre mes peintures dans le parc, une femme s’arrête devant moi et observe mes œuvres avec attention.

« Cette rose je l’ai déjà vue. »

Quand j’arrive à son appartement, elle m’invite à m’asseoir sur un fauteuil. Je suis nerveuse. Elle me propose du thé , mais n’insiste pas quand je ne lui réponds pas.

Bientôt elle dépose une peinture sur la table. J’ai du mal à contenir mon excitation quand j’aperçois la rose au coin du tableau.

« C’est une signature. » dit l’inconnue

« De qui ?  »

 » Le peintre se fait appelé Larose et je crois que c’est vous. »

Je recherche ce nom, je l’épelle chaque nuit. Ces lettres me brûlent la langue , et font bouillir mon sang. La peinture a été trouvée dans une brocante et le gérant n’en a aucun souvenir. Malgré mes nombreuses recherches, je n’ai rien trouvé d’autre que ce nom.

J’ai racheté la peinture. Ses couleurs vibrantes m’accueillent au réveil et me bercent le soir.

Je l’ai retournée par curiosité. Une date y était inscrite.

Je connaissais cette date, car je détestais et j’aimais ce jour maudit où l’on m’avait trouvé sur ce banc , dans ce parc et sans nom.

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